prudence  « nous resplendissons tous comme la lune et les étoiles » uc.

Le regard hagard, la fillette déambulait dans les couloirs de la vaste demeure. Le carrelage était glacé sous ses pieds nus, elle frissonnait de tous ses membres, et pourtant, elle n'en avait cure ; elle était inévitablement attirée par une force extérieure, comme hypnotisée par on-ne-sait-quel enchantement. Ses grands yeux bleus semblaient inhabités de la lueur que l'on pouvait déceler chez tout être normalement bien en vie, ses joues étaient d'une blancheur inquiétante, et de longues mèches toutes parées d'or complétaient le portait de ce visage juvénile déjà trop écorché d'une beauté qui avait appris à redouter les dangers du monde extérieur. Ce n'était pas là une enfant de huit ans qui s'avançait, mais une magnifique petite poupée, aux tons blancs et rehaussés, aux charmes passés et oubliés, à la beauté désillusionnée et enviée. Si tôt déjà, Prudence ne se préoccupait plus des limites, aussi aléatoires soit-elles.

D'une de ses petites mains frêles, elle poussa la lourde porte de la baie vitrée et se retrouva sur le balcon, face à l'immense étendue verdâtre qui composait le grand jardin familial. Comme à chaque fois qu'elle se présentait ici, la petite fille admira le paysage vierge, où logeait une multitude de bijoux naturels, tels que de fantastiques fleurs plus étranges les unes que les autres, de larges buissons feuillus où se nicher, et de grands arbres torsadés aux corps tout tatoué de longues spirales dont on ne trouve plus ni le début ni la fin.